Pantophobie ou pentophobie?

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La clôture des comptes 2022 sur les marchés financiers est douloureuse et son empreinte pour 2023 peureuse. Du côté des marchés boursiers, obligataires ou immobiliers, la perte moyenne de valeur des titres peut atteindre entre 15 et 20%. A qui la faute ? géopolitique, récession, inflation, taux d’intérêt, tout est prétexte à la poursuite de la morosité et de la pantophobie (peur de tout, Wall of worries). On anticipe la récession en 2023, d’intensité diverse parce que, contrairement à la pandémie de la Covid-19 d’effets inconnus jusqu’alors, on croit savoir que la hausse des taux d’intérêt et l’inflation doivent enclencher la récession plus que le ralentissement. Dans le jargon anglo-financier, le hard landing est devenu plus probable (70% selon Bloomberg) que le soft landing.
 

Rappelons-nous néanmoins qu’une récession survient le plus souvent par surprise, comme le résultat d’un choc ou d’une crise ; les économistes les prévoient trop rarement alors que les marchés financiers les anticipent trop souvent. Dans ce contexte anxiogène, tous les facteurs de résilience sont assimilés à des marqueurs de récession. Service de la dette au plus bas, épargne et liquidité des particuliers au plus haut, taux de chômage au minimum historique, santé des bilans des entreprises et capitalisation des banques des plus solides, marché immobilier résidentiel en déficit de biens, tous inquiètent plus qu’ils ne rassurent. Selon les références passées, ils alimenteraient l’inflation par la demande et appellent à une réaction drastique (rapide et d’ampleur) des taux d’intérêt, source d’arrêt d’activité.

 

Alors pantophobie ou pentophobie (peur de la pente descendante)? Les investisseurs ne pardonnent ni l’inflation mal appréhendée et la réaction jugée trop tardive des banques centrales, ni la gestion de la crise géopolitique et énergétique par les gouvernants. Trop habitués à un choc de la demande jugulé par les conditions de financement plus ou moins restrictives, ils en oublient la principale source de l’inflation héritée de la crise pandémique et prolongée par la crise énergétique : le choc de l’offre, la gestion des stocks, les problèmes de livraison et le déploiement régional de stocks stratégiques (santé, semi-conducteurs & énergie alternative). On parle de récession et de démondialisation/déglobalisation alors que les échanges internationaux dans ces secteurs stratégiques n’ont jamais été aussi élevés, que les investissements des entreprises dans l’innovation et la technologie progressent rapidement et que les partenariats publics-privés pour soutenir les grandes transitions s’intensifient. La sortie des taux d’intérêt négatifs et leur normalisation, à la base de l’ajustement des valorisations en 2022, rétablissent un équilibre économique oublié depuis près d’une décennie, celui où entrepreneurs et investisseurs, travail et capital, sont rémunérés pour prendre un risque, celui où les prêteurs sont couverts contre l’inflation. Substituons alors la longue liste des risques par celle des opportunités tournées vers les défis structurels économiques inédits que les entreprises de qualité adresseront sans interruption en 2023 par leurs investissements productifs de long terme, seule réponse aux maux persistents.