Banques centrales face à la Géopo…nomie

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Banques centrales face à la Géopo…nomie

La clôture de novembre des marchés financiers rappelle curieusement le lendemain des élections américaines qui avait fait converger de multiples scénarii, jusqu’alors simulés, vers un risque essentiellement inflationniste. Celui-ci était alors validé, en particulier par les obligations américaines.

Que dire de cette sensibilité accrue des prix aux problématiques politiques et géopolitiques ? La fragmentation du commerce mondial, initiée par la guerre des tarifs de 2018, a interrompu la tendance déficitaire des échanges commerciaux directs engagés entre les Etats-Unis et la Chine. Depuis lors, les distances parcourues par les produits ont été raccourcies (plus de régionalisation des échanges) et les secteurs stratégiques privilégiés. Il en résulte une concentration et une spécialisation de la chaîne de production et du commerce international de biens ; les secteurs de la technologie et de la chimie/pharma sont principalement concernés. Qu’est-ce qui rend si sensibles ces secteurs ? Le recours à la production intermédiaire de sous-composants (à l’image des semi-conducteurs) et à l’utilisation intense de matières premières. Si les Etats-Unis ont acquis leur indépendance énergétique, ils ne peuvent prétendre en avoir fait autant en ce qui concerne les ressources nécessaires à la transition technologique et climatique. Leur nouvelle dépendance aux métaux de la transition (cobalt, cuivre, lithium, etc.), transformés dans leur grande majorité par la Chine, les rattache invariablement. Fragmentation, concentration et spécialisation sectorielle des échanges commerciaux accentuent la sensibilité aux variables de transmission des chocs politiques et géopolitiques, à savoir les prix des matières premières et de leur devise de référence, le dollar.

Si les prix extérieurs, ou importés, s’ajustent aux réactions géopolitiques, que dire de la politique monétaire et de son indépendance ? Pendant longtemps, le choc sur les prix des matières premières pouvait être considéré comme transitoire. Depuis 2022, les banques centrales ont compris qu’il pouvait s’avérer permanent si, au moment du choc comme par exemple lors de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’inflation domestique était déjà supérieure à l’objectif monétaire. On comprend ainsi volontiers que dans cette période de sensibilité accrue aux enjeux politiques et géopolitiques imprévisibles, les banques centrales doivent avant tout s’assurer d’ancrer l’inflation domestique pour répondre en cas de pressions transitoires sur les prix externes et des ressources, sans créer d’instabilité financière. Tout un programme ! A la veille des dernières réunions annuelles des instances monétaires, gardons en tête ces précautions face aux nouveaux enjeux. Partout, services, salaires et coût du logement progressent encore trop rapidement pour assurer un ancrage persistant de l’inflation domestique. Si la BNS dispose dorénavant de réserves de changes pour absorber les chocs de prix externes, les taux d’intérêt doivent se concentrer sur les prix domestiques, rigides à la baisse. Dans ce nouveau régime d’interconnectivité des sphères de pouvoir, que le mot-valise géopo-nomie traduit bien, arrêtons de demander aux banques centrales de jouer au père Noël pour ravir en 2024 mais risquer de briser le cadeau en 2025.

Excellentes fêtes de fin d’année.

Rédaction le 04.12.2024