Année du lapin, entre opportunités et risques

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En Chine, les festivités du nouvel an marquent le début de l’année du lapin. Elles signalent surtout le début de l’ère post Covid. En effet, près de 3 ans après le début de la pandémie, la Chine a annoncé l’abandon de sa stratégie « zéro-Covid » début décembre.

 

En 2022, l’activité a fortement ralenti, contrainte par les restrictions mises en place par les autorités pour contenir la Covid-19 et la crise immobilière. La confiance et la consommation des ménages se sont effondrées. Persistance d’épisodes de confinements stricts, baisse des prix immobiliers, programmes de construction inachevés et hausse du chômage ont eu raison du moral de la population chinoise. La levée des restrictions de mobilité devrait ainsi s’accompagner d’un rebond de la consommation des ménages, aidée par l’épargne accumulée au cours des derniers trimestres. La reprise sera surtout favorable aux produits de consommation discrétionnaire, à l’image de l’habillement, de la joaillerie ou des cosmétiques, qui ont le plus souffert des restrictions : une opportunité attractive pour les entreprises (surtout européennes et suisses) du secteur. La Chine pourrait ainsi regagner la première place des exportations de montres suisses, cédée en 2021 aux Etats-Unis. 2023 signera également le retour des touristes chinois, dans les pays asiatiques voisins et plus lointain. Une opportunité pour le secteur, qui porte encore les stigmates de la pandémie.

 

Néanmoins, le rebond de l’économie domestique sera limité par les déséquilibres structurels (immobilier, endettement et démographie). La crise immobilière est profonde et pèse sur la construction. L’ampleur du soutien accordé par les autorités déterminera la trajectoire du secteur en 2023 mais la confiance des ménages est une variable difficile à piloter.

 

Reste que les investissements en infrastructures (notamment dans la transition énergétique) et équipements demeureront dynamiques, favorisés par les politiques volontaristes. Dans la lignée de 2023, le policy-mix sera toujours en terrain expansionniste. De plus, la polarisation entre les Etats-Unis et la Chine, ainsi que la course à la supériorité et l’indépendance technologiques qui s’en suit, s’accompagnent de programmes d’envergure, à l’image des CNY 1’000 mias (~ CHF135 mias) qui seront investis dans les semiconducteurs. De tels investissements, couplés à la réouverture de l’économie chinoise, pourraient soutenir la demande de nombreuses matières premières et raviver la flamme de l’inflation. Bien sûr les métaux et le pétrole seront probablement à nouveau sur le devant de la scène, tant le poids de la Chine dans la demande pour ces commodités est massif (50% s’agissant du minerai de fer, avant la pandémie) mais c’est surtout la demande chinoise de gaz qui sera scrutée. Les besoins européens en gaz naturel liquéfié (GNL), nécessaires pour compenser le gaz russe, seront cette année (contrairement à 2022) concurrencés par les importations chinoises. Cette compétition poussera les prix de l’hydrocarbure vers le haut et avec eux, le prix de l’électricité alors même que les prix européens connaissent une bienvenue accalmie après les envolées de l’été 2022. Aux opportunités des entreprises exposées au marché chinois s’oppose ainsi le risque d’une nouvelle montée de l’inflation énergétique. Surtout, l’abandon de la politique « zéro Covid » s’accompagne d’une inévitable recrudescence du nombre de contaminations et, par corollaire, des disruptions de l’activité (désorganisation logistique, réduction de la production industrielle), elles aussi sources de nouvelles pressions inflationnistes en Europe et aux Etats-Unis.

 

Si la réouverture de la Chine est une bonne nouvelle pour de nombreuses industries et entreprises exportatrices, elle n’est pas sans risque pour les chaînes d’approvisionnement, soumises à rude épreuve ces trois dernières années. Tandis que le pic d’inflation semble avoir été dépassé, tout du moins en Suisse et aux Etats-Unis, l’appétit chinois pourrait venir jouer les trouble-fêtes.

 

Charlie Carré
Economiste au sein de la BCGE depuis 2020, Charlie Carré bénéficie d’une expérience de près de 15 ans en tant que macroéconomiste et analyste des risques de crédit. Elle participe à l’élaboration des perspectives économiques et à la définition des orientations d’investissement. Elle est titulaire de masters en macroéconomie internationale et affaires internationales de l’Université Paris-Dauphine.